9/08/2017

Le camp des autres - Extrait



"Le Général
La clarté que l'on nous refuse nous la volerons avec le feu. Nous coiffons la nuit au poteau. Nous rallumons les nues. Nous sommes la suie qui ne mérite pas l'azur. Nous sommes la chair rouge des braises. La petite viande perdue. Au début le sang et le feu ont la même couleur. Au début seulement. Ensuite il ne reste que la nuit. Il y a des oiseaux qui n'ont pas droit au ciel. Ils le voleront. Nous partagerons de force. Nous prendront ce qu'on nous refuse. Nous sommes la fin des flammes. Le feu qui se tord. Le feu affamé d'air. L'esprit affamé de la justice. Nous sommes les flammes sans lumière. C'est la nuit que nous voyons le mieux, car c'est elle qui nous accueille. C'est le noir qui nous éclaire. La nuit est notre règne, la forêt notre patrie. Nous sommes les fils des bois perdus, de la route, de la boue des chemins. Nous sommes les fauves en exil. Les apatrides. Les moins que chien. Nous sommes les rats et les renards, les hérissons, les ailes tranchantes du grand-duc. Nous sommes les yeux de la mule aux flanc lacérés. La chair à canon et à usine, la viande pour leurs grosses dents. Nous sommes les invisibles, le choléra, le nègre, l'ongle noir de Satan. Nous sommes la famille de vos sacrifices, les cornus, les sauvages, les bouffeurs d'ombre, les récalcitrants. Nous sommes le vent qui souffle sur les braises, les morts pour rien dans la brume de l'empire, la rage des chiens. Venez avec moi, je vous offre l'outrage, la brûlure, la ruade, le galop. Je vous offre la liberté des flammes sans lumière."

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