3/18/2024

Bric à brac Hopperien - La Fosse aux ours - Mars 2024

« La lumière 
Est un vêtement. 
La solitude 
Une peau. »



La Fosse aux Ours
me fait la joie de redonner vie ( après une belle première existence chez Alma éditeur avec la complicité de Jean Claude Gôtting) à ce Bric à brac Hopperien. Piste fragmentée d'une fausse biographie reconstruite, à partir de miettes, listes, lettres, textes, poèmes, carnets, (totalement inventés) il s'agissait de raconter un peu Hopper, d'une autre façon, comme un personnage de ses tableaux peut être, à la fois si évidents et si mystérieux, bougrement narratifs et gentiment déroutants, mélancoliques, habités de la lumière électrique Américaine, de la poussière des rues et du vent des falaises de Cap Cod.



"À neuf ans, Ed s'est perdu en plein centre de Nyack. Il n'avait jamais pensé qu'il pourrait y avoir d'autres rues et d'autres maisons autour de sa rue et de sa maison... Lorsqu'il est arrivé à New York, Ed a commencé à se perdre mais cette fois avec un certain plaisir et sans aucune peur. Dans les dernières années de sa vie, il inscrivait parfois au dos de ses peintures la phrase suivante : "Il est préconisé de se perdre dans une ville inconnue pour comprendre ce tableau" 



"(...) Vinau nous fait grâce d'une épaisse biographie, choisissant de n'en donner que la réduction poétique, elliptique. S'enrichit davantage la figure elle-même poétique et elliptique de ce peintre qu'il nous permet moins de connaître que de deviner, comme on a plaisir et scrupule à deviner une personne au travers de son humour, de ses petites habitudes, d'un détail émouvant et minuscule.(...)" Denis Podalydés dans le Monde des livres en 2013



fitness mentality



J'aime ton leggings
j'aime ta volonté d'acier
j'aime ta fitness mentality
j'aime tes adidas toutes neuves
j'aime ton abonnement à la salle
j'aime tes huit minutes de vélo
j'aime ta crise d'hypoglycémie 
j'aime ton rire qui arrive après
je t'aime

3/16/2024

La monnaie des pauvres

 C'est pauvre, tellement pauvre. Mes pensées sont si pauvres, mes perceptions, mes mots. Ce que je capte retiens, transcris, perçois, imagine, tellement pauvre. Ridicule, infime, ce que j'attrape, ce que je garde, ce que je vous donne. Des centièmes, des centimètres, des centimes. Même pas les pièces jaunes, les rouges, roses d'or, celles qui restent toujours au fond du porte-monnaie, qu'on ne ramasse pas quand elles tombent, oubliées aussitôt données, jetées même parfois tellement il n'y à rien à en faire. Ou alors elles s'accumulent dans le cendrier de la voiture, collée à une pastille de menthe, verdissent dans la terre,  dorment abandonnées des années entières dans la veste rangées de l'armoire. Des centimes roses d'or qui valent à peine leur poids de ferraille, dont personne ne s'est jamais attardé à regarder le dessin, anodins, répandus, oubliés aussitôt, oubliés partout, sans valeur. La monnaie des pauvres, égrainées dans les mains sales des clochards, ou dont on retrouve des boîte remplies à l'occasion, des bocaux débordant, dans les affaires des vieillards abandonnés. Il n'y a guère que les simples d'esprits et les enfants, pour y plonger leurs doigts de temps en temps et y fouiller comme un trésor, en écouter la maigre musique, y brasser leur fortune. 

3/15/2024

Plus de peur que de mal

 Un souffle à peine d'amour 
sur le bobo du monde

un bisous de maman
la main qui frotte sur l'épaule
un coup de pschitt désinfectant
ou de mercurochrome

sur toutes les cruautés
sur l'injustice 
la mort sans sommation
l'oeil aveugle des bombes
sur les plaies de l'humanité

voilà tu vois ça y est
 ça va déjà mieux


 

3/10/2024

Azul

Souffle tout doucement


Ces vieux amis oubliés dont il faudrait prendre des nouvelles
une abeille affamée sur la première fleur des pissenlits
cette impression de boue qui luit 
l'écorce nouvelle fragile comme de la peau
une planète fleur de mimosa
un chien qui vomi dans les premières pâquerettes
la trace d'un corps dans les draps froissés d'un lit
les densités luminescentes
blanches grises 
replètes dodues veloutées et changeantes
des nuages qui s'effilochent comme des pensées
dans l'immense bleu immense
du ciel après la pluie



L' enfant des bois / Thomas Vinau


L'enfant est entré dans les bois. Quelqu'un le tenait par la main. Ils se sont enfoncés dans  la terre noire. Leurs mains ont parlé l'écorce. Leur peau le gel. L'homme a éduqué l'enfant. Il lui a appris à lire. Allumer un feu. Creuser un tunnel. Poser un piège. Échafauder le froid. La nuit, l'enfant s'abritait dans ses bras. Le jour, il révisait ses odeurs. L'été il était une grenouille. L'hiver un hérisson. Au printemps un geai noir. En automne une cétoine. Le temps a grandi dans leur ventre. La peau de l'enfant s'est tannée. Les yeux de l'homme se sont tassés. Parfois il tousse du sang. Parfois il repense au départ. Elle est morte. Il a pris l'enfant par la main. Ils sont entrés dans les bois. Il n'en est jamais ressorti. L'enfant l'a enterré. Ce n'est plus vraiment un enfant. Ensuite, il a relâché le lièvre piégé, a mis le feu à son terrier. Puis il est sorti du bois. Plusieurs années s'étaient écoulées. Pendant que l'assistante sociale lui parle, l'enfant révise ses odeurs pour ne pas laisser monter la peur. Maintenant il est vraiment seul. Maintenant il a vraiment froid. Trois choses encore le rassurent. Le manche de son couteau qu'il sent contre sa cuisse. Le livre dans son sac, sur lequel l'homme lui a appris à lire et à écrire. Le livre dont il connaît chaque mot, chaque lettre. Et puis le vent glacé dans la cour. Le vent qui lui lacère le visage. Ce vent, c'était sa chambre d'enfant.

3/02/2024

Quand mon esprit est trop vide

 

Quand mon esprit est trop vide
C'est à dire chaque jour
Je vais marcher dedans
Je regarde par terre
Ramasse des pierres
Des brindilles
Des nuages
Des montagnes
Des ciels des branches
Des oiseaux
Des aboiements de chien
Des poubelles
Des fossés
Des silhouettes
Des buissons
Ce que je trouve
Je les frotte avec mes yeux
Distingue leurs couleurs
Leurs traits
La finesse de leurs détails
Je les touche
Sens leurs consistances
Leurs chaleurs
Et puis je les glisse dans ma poche
Les ramène à la maison
Les accumule dans un coin
La plupart du temps
Ils n'ont aucun intérêt
Mis à part celui de remplir mon vide
De me sortir de moi
D'amasser dans mon ventre
D'autres couleurs
D'autres traits d'autres détails
D'autres consistances d'autres chaleurs
Je les entrepose dans une boîte blanche
Une boîte blanche plate et infinie
En forme de page
Ils deviennent des mots
Alors quelques instants
je me sens moins vide
Je respire
Et je peux être là
Un peu plus coloré détaillé
Consistant chaleureux
Quelques instants
Pour tout ce(ux) qui le mérite(nt)

2/27/2024

Ballade du Roi des Gueux - Jean RICHEPIN

 

"Venez à moi, claquepatins,
Loqueteux, joueurs de musettes,
Clampins, loupeurs, voyous, catins,
Et marmousets, et marmousettes,
Tas de traîne-cul-les-housettes,
Race d’indépendants fougueux !
Je suis du pays dont vous êtes :
Le poète est le Roi des Gueux.

Vous que la bise des matins,
Que la pluie aux âpres sagettes,
Que les gendarmes, les mâtins,
Les coups, les fièvres, les disettes
Prennent toujours pour amusettes,
Vous dont l’habit mince et fongueux
Paraît fait de vieilles gazettes,
Le poète est le Roi des Gueux.

Vous que le chaud soleil a teints,
Hurlubiers dont les peau bisettes
Ressemblent à l’or des gratins,
Gouges au front plein de frisettes,
Momignards nus sans chemisettes,
Vieux à l’oeil cave, au nez rugueux,
Au menton en casse-noisettes,
Le poète est le Roi des Gueux.

Ô Gueux, mes sujets, mes sujettes,
Je serai votre maître queux.
Tu vivras, monde qui végètes !
Le poète est le Roi des Gueux."



2/23/2024

War - Smile Happy

Le temps à peine


 

Le temps d'une sieste de rien
d'un bisou raté
d'un mégots mal roulé
Le temps à peine
d'essuyer sa morve
de gonfler le biceps
de finir une phrase
de nouer le lacet
Le temps seulement
de lever le nez dans le vent 
de tirer les vers du cul
de se couper les ongles
de trouver l'équilibre
d'aligner la colonne
d'aimer aimer
Le temps à peine
de tourner la tête
De reconnaître un rire
de se souvenir d'un instant
Le temps tout juste
de se relever
Quarante cinq années venaient de passer

2/22/2024

Parution : Et des Poussières - Point Poésie Fevrier 2024




 
Des poèmes brefs,
ni haiku, ni aphorisme, ni poétweet, ni punchline
un peu de tout ça, mais avec une façon, je crois, d'explorer malgré tout, le poème
après les brindilles,
les miettes,
des poussières ...
bientôt il ne restera plus rien
 
Un petit nouveau youpiyo !
 

Du haut de la nuit

 

Tout la haut
du haut de la nuit
on n'aperçoit que quelques lumières
éparses
Éparpillées comme des astres
des galaxies de solitude
qui scintillent dans le grand néant
la terre n'est plus qu'un ciel
alors peut être que le ciel étoilé n'est qu'une terre finalement
que les constellations ne sont que des routes
des parking éclairés
des terrains de foot
des pavillons où les enfants s'endorment en se demandant pourquoi ils ont si peur de demain
et leurs parents d'hier
et si les souvenirs ont des yeux qui brillent
rouges
dans le noir

35 MINUTES of Erroll Garner LIVE in '64!

A St Nazaire

 

 Je ramasse des merdouilles dans le sable
Je fouille dans le gris de la mer
Je veux me taire

 



2/18/2024

Simenon - Quand j'étais vieux

" j'aimerais une histoire calme, presque sereine, avec beaucoup de soleil, de petites touches de couleur, un escalier ciré, des pans d'ombre et de reflets."

Simenon dans ses carnets Quand j'étais vieux

2/15/2024

La paix des mots

 

Petit je disais zézette
et puis j'ai vite dit chatte
pour faire le grand
ou schneck
mais en vieillissant
je ne sais pas
j'aimais de plus en plus dire foufoune
c'est doux à dire foufoune
c'est rigolo
c'est apaisant

2/11/2024

Echec et monstre

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La vie est un jeu d'échecs avec des monstres à doigts
La vie est un jeu de doigts avec des monstres d'échecs
La vie est un échec de doigts avec des jeux de monstres
La vie est un doigt de monstre avec l'échec d'un jeu
La vie est un monstre de jeu avec l'échec des doigts

 

2/10/2024

Les gouttes fouettent les fleurs


Les gouttes fouettent les fleurs
du monument aux morts
nous sommes un Samedi matin
de février en France
l'averse remue les branches
tambourine sur le capot
trouble le paysage
croix de pharmacie
feux des voitures
platanes lépreux
monument de béton
tout grisaille
redoutablement
surtout ne pas mettre les informations
J'attends mon fils dans la voiture
buée sur les vitres orteils glacés
je monte le son d'une Cantate de Bach
l'averse redouble
le gris tout cru pétille de poussière d'or
j'ai un rire de fou comme le dernier dément
Au milieu d'un charnier anodin et sublime
j'attends que le ciel m'écrase
au lieu de cela il s'ouvre
je vais être en retard pour récupérer le môme
la pluie est froide et belle

2/01/2024

10/18

 

 Je suis particulièrement heureux de continuer cette belle collaboration avec 10/18, en plus de mes quatre premiers roman, initialement paru chez Alma,  et qui sont tous réédités cette année, vous pouvez à présent retrouver le nouveau poche de Marcello & co, grand plaisir et grande fierté qu'ils continuent à vivre dans ces beaux petits livres et, j'espère, toujours, dans vos yeux .






Rencontres - Atlandide à Nantes, et L'embarcadère à St Nazaire

 

 

 Samedi 17 Février : Passage express à Atlantide cette année, où je retrouverai Antoine, rencontrerai Bernard, conversationnerai gentiment et signerai un nouveau recueil fraichement paru chez Points/Poésie , Et des Poussières...

Et puis Lundi 19 je fêterai les dix ans de L'embarcadère, à St Nazaire avec Debout dans les fleurs sales

si ça vous dit...

https://www.atlantide-festival.org/agenda/lurgence-de-la-parole-poetique-2/

 



 

1/30/2024

Guillaume Apollinaire - extrait de à la santé -

20 novembre Arnas: Conférence Les Prisons d'Apollinaire Franck Balandier
 

 "(...)

Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaîne

Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène
Dans la cellule d’à côté

On y fait couler la fontaine

Avec les clefs qu’il fait tinter
Que le geôlier aille et revienne
Dans la cellule d’à côté
On y fait couler la fontaine

(...)


Guillaume Apollinaire - extrait de à la santé - 
Septembre 1911 
(publié dans Alcools, NRF, 1920 (3e éd.), p. 150-155.)

Langues des strates - Arisitide

 

Je participe à cette belle revue du Collectif Aristide avec un texte inédit, Les bols


Nous avons le plaisir d'annoncer la sortie de notre dernier livre : Langue des strates

Les auteur·es : Audrey Cavelius, AbSTRAL compost, Dejan Gacond, Laura Gamboni, Jérémie Gindre, Julien Maret, Marina Skalova, Eric Vautrin, Laura Vazquez, Thomas Vinau / et les visuels de Antón de Macedo

Pour ce premier livre dédié à l’écrit, Aristide a tourné son regard vers l’intérieur, dans un mouvement naturel et interrogatif. Interface entre l’âme et le monde, l’être demeure le matériau premier, pour ensuite se déployer dans toutes les directions ; points cardinaux, abîmes et cieux confondus. Comme à notre habitude, nous invitons des artistes aux pratiques variées afin de rendre compte de la multiplicité du réel.

COLLECTIF ARISTIDE